16/08/2015
je me sens encore très mondain ; l'envie de vous plaire l'emporte sur ma piété ; j'espère que Dieu me pardonnera cette faiblesse , et qu'il ne me fera pas la grâce cruelle de m'en corriger
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« A Louis-Elisabeth de La Vergne, comte de Tressan
Aux Délices 16 auguste 1760
Voici deux Genevois aimables que je prends la liberté d'adresser à mon cher gouverneur et que je voudrais bien accompagner ; MM. Turretin et Rilliet 1 sont les seuls objets de mon envie ; car je vous jure, mon très cher gouverneur, que je n'envie nullement ni Pompignan, ni même Fréron . Je ne voudrais être à la place que de ceux qui peuvent avoir le bonheur de vous voir et de vous entendre . Il me paraît que ce Fréron vous a un tant soit peu manqué de respect dans une de ses malsemaines 2 . Il faut pardonner à un homme comme lui, enivré de ses gloires et de la faveur du public .
Mon cher Palissot est-il toujours favori de sa Majesté polonaise ? Comment trouvez-vous la conduite de ce personnage et celle de sa pièce? Notre cher frère Menoux m'a envoyé de la part du roi de Pologne, L’Incrédulité combattue par le simple , essai par un roi , essai auquel il paraît que le cher frère Menoux a mis la dernière main ; il ne vous montrera pas la réponse que je lui ai faite 3 , mais moi je vous montre ma lettre au roi de Pologne 4, et j'espère vous envoyer bientôt le premier volume de l'Histoire de Pierre Premier . Quoique je sois occupé actuellement à bâtir une église, je me sens encore très mondain ; l'envie de vous plaire l'emporte sur ma piété ; j'espère que Dieu me pardonnera cette faiblesse , et qu'il ne me fera pas la grâce cruelle de m'en corriger . Je sais qu'il faut oublier le monde, mais j'ai mis dans mon marché que vous seriez excepté nommément . Plaignez-moi, monsieur , d'être si loin de vous et de vieillir sans faire ma cour à ce que la France a de plus aimable . Mon tendre et respectueux attachement ne finira qu'avec ma vie .
V. »
1 Jean-Jacques Turrettini et Ami, Jacques ou Robert-Guillaume Rilliet, sans doute .
2 Probablement dans le compte-rendu paru dans L’Année littéraire du 14 juillet, V, 97-112, de l’Éloge de Moreau de Maupertuis […] prononcé dans l'assemblée publique de la Société royale de Nancy, le 10 janvier 1760, du comte de Tressan . Fréron parvient à y rendre Tressan ridicule, tout en gardant à son égard le plus grand respect .
3 Voir lettre du 11 juillet 1760 à Menoux : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/07/11/bonsoir-ce-monde-ci-est-une-grande-table-ou-les-gens-d-espri-5732443.html
4 Voir lettre à Stanislas du 15 août 1760 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/08/15/si-jamais-il-se-trouve-quelque-athee-dans-le-monde-ce-que-je-5799992.html
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